mardi 29 mars 2016

Liber libère ou Liber enchaîne ?



Je souhaitais mettre un terme aux querelles intempestives que je peux voir de partout lorsqu'il s'agit de Gaspard Koenig et son idée d'impot négatif (reprise à Milton Friedman et autres). J'ai donc décidé de m'intéresser de manière plus approfondie à sa proposition et surtout sa facon de la défendre. Intéressons-nous tout d'abord au titre meme, dont il qualifie son idée d'impôt négatif :
"Liber, un revenu de liberté"
Il y a matière à dire sur cette simple phrase. Lorsque Monsieur Koenig qualifie son idée d'impôt négatif de "revenu de liberté", il défend bien entendu la liberté. Malheureusement, il défend sur ce point une conception de la liberté qui n'est pas libérale (si elle demande l'intervention de l'État, ce qui est le cas ici) et il est utile de parler d'Isaiah Berlin pour comprendre cela.Il est connu pour son développement de la distinction entre les notions de liberté positive des anciens et de liberté négative des modernes qu'il pose en 1958 dans Deux concepts de liberté : la liberté négative est l'absence d'entraves, l'absence de coercition dans le déroulement de nos actions alors que la liberté positive, proche de l'idée de Droit et de réalisation de soi, désigne la possibilité de faire quelque chose. En somme, la liberté négative correspond donc à la conception libérale de la liberté alors que la liberté positive correspond à la conception socialiste (si coercition) de la liberté. Et ce n'est malheureusement pas la première qui se cache derrière Liber. Car le Liber a justement pour fonction de permettre la création de possibilités pour certains hommes. Or cette approche de la Liberté est en contradiction avec tout ce que j'ai pu lire de la part de Gaspard Koenig. Nous ne pouvons défendre les droits de propriété et réclamer la réduction de la sphère coercitive et, simultanément, demander aux hommes qu'ils réclament la part du travail d'autrui qui leur revient, comme dirait Thomas Sowell. C'est tomber dans l'illusion de la justice sociale que dénonçait Hayek. Soyons clairs cependant : ce n'est pas l'idée-même de Gaspard Koenig qui me déplait particulièrement, mais principalement la manière dont il la défend. Monsieur Koenig, dont j'ai toujours lu les publications, me semble être un grand défenseur de la liberté négative, des individus face à l'ingérence publique et c'est là où est l'incohérence. Monsieur Koenig aurait pu simplement défendre l'impôt négatif comme un système assurant la transition en attendant de restaurer les incitations productives et qui aurait potentiellement permis des économies, et je n'aurais certainement eu que peu de choses à critiquer. Le problème est que l'argumentation socialiste est là : les gens ne sont pas libres car ils sont "contraints" de travailler pour subvenir à leurs besoins.
"S’il y a bien une fonction qui revient à l’Etat régalien et qui n’est pas assurée aujourd’hui, c’est de garantir à tous un revenu minimum."
Monsieur Koenig, qui dans nombre de ses travaux, prend soin de citer régulièrement (à raison) les Modernes, n'hésite pas à retourner vers les Anciens pour défendre son idée, et c'est là le défaut. Que l'État doive défendre la Liberté, nous pourrions être d'accord, soit. Malheureusement, dans la conception des Modernes, l'État se doit de défendre la liberté négative, c'est à le protéger des agressions et recourir le moins possible à la coercition. Or, le fait de garantir un revenu minimum correspond bien à une conception positive de la Liberté, et la liberté négative et la liberté positive sont foncièrement opposées, du moins quand l'État s'en mêle. Car qui a permis une plus grande subsistance dans nos sociétés ? Comment des centaines de millions de personnes ont pu sortir de la pauvreté en deux siècles ?? C'est la liberté négative, ou la limitation de l'action de l'État qui a permis et qui permettra plus encore "de garantir à tous un revenu". La meilleure manière d'améliorer la condition humaine n'a jamais été que de faire en sorte que l'action humaine soit sans entrave
Outre le fait que des incitations productives seraient toujours détruites, même si elles le seraient moins avec l'introduction d'une flat tax (et quasiment pas si il y avait un impôt par capitation, ce qu'empêche naturellement le Liber), Monsieur Koenig oublie que l'État évince toujours le secteur volontaire par l'accroissement du secteur coercitif. Ce n'est pas pour rien que c'est dans les pays où l'État dépense le moins en aides sociales que la solidarité privée est la plus forte.
Il est malheureux que Monsieur Koenig défende la liberté de manière régulière et que pour défendre son idée de revenu de liberté, il soit prêt à montrer implicitement que celle-ci n'est pas si désirable que cela, qu'elle ne mérite pas la lutte qu'il a engagé.
Pourquoi enfin dit-on que les nombreuses aides sociales, comme les APL pour ne prendre que cet exemple flagrant, ont contribué à faire augmenter substantiellement le prix des objets de leurs applications,comme les loyers, et que dans le cas du Liber, cette option n'est pas envisageable ? Y-a-t'il des différences économiques entre le Liber et les nombreuses aides sociales (hormis une diminution du poids de la bureaucratie et une moins forte influence sur les incitations), ou n'y en a t'il pas, en dehors des effets cités ??
La proposition de cet impôt négatif ne me dérangerait pas si elle visait une diminution de la bureaucratie et un accroissement des incitations productives, et qu'il présentait Liber comme une transition vers une société pleinement libre en attendant que l'économie se remette des turpitudes de l'État jusqu'à maintenant. Malheureusement, Monsieur Koenig préfère défendre le Liber comme une source de liberté et sur ce point, il se met à dos de certains libéraux.
Soyons pragmatique, mais référons avant tout à nos principes fondateurs.
Marius-joseph Marchetti.

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